Données chiffrées, critères mesurables, décisions argumentées… Le monde du travail prône la rigueur et la rationalité. Pourtant, de nombreux témoignages de cadres et de managers tendent à remettre les ressentis à leur juste place. Comment définir l’intelligence intuitive ? A-t-elle sa place dans le milieu professionnel et comment la développer ?
La pensée intuitive repose sur un processus nommé « mode mental pré frontal » en neurosciences. Il s’agit d’un balayage rapide de la situation par le cerveau, qui met en relation de multiples informations et les compare le plus souvent à des souvenirs. Ainsi, elle se renforce avec l’âge et l’expérience, qui permettent au mental de faire de multiples analogies. On peut également la caractériser comme une ouverture fugace à notre subconscient, qui nous donne accès à des données subtiles. Avoir une intuition donne la sensation de détenir la vérité, sans avoir procédé à une analyse rationnelle, sans cheminement logique de la pensée. L’intelligence intuitive est le plus souvent à l’œuvre lors de décisions portant sur l’humain. Qui n’a pas expérimenté, dès les premiers instants d’une rencontre, qu’un candidat à un poste était la perle recherchée ou au contraire totalement inadapté ?
La pensée intuitive s’oppose au traitement analytique, plus séquentiel et plus lent : chaque aspect de la situation est étudié au regard d’éléments mesurables. Notre éducation rationnelle nous invite à privilégier ce fonctionnement. Cependant, savoir se connecter à ses ressentis présente de nombreux intérêts dans le monde professionnel.
L’intelligence intuitive est particulièrement intéressante dans le monde professionnel qui tend à tout accélérer. Les prises de décisions doivent être rapides et les solutions à une problématique apportées au plus vite. La pensée intuitive, par sa nature fugace, est un appui précieux pour tenir cette cadence. Elle est également intéressante lorsqu’un choix entre des situations sensiblement équivalentes est attendu : une fois tous les critères mesurables étudiés, ne reste plus que sa voix intérieure pour se décider.
Alors faut-il mettre de côté le raisonnement rationnel, les données chiffrées, pour ne se fier qu’à sa sagesse intérieure ? En réalité, si ces fonctionnements de notre cerveau existent, c’est pour se compléter. La pensée intuitive arrive sans prévenir, sans explication : elle peut alors être le point de départ de la réflexion. Il convient ensuite de la rationaliser et de la confirmer par des critères mesurables.
Un manager qui combine les deux, gagne un temps précieux avec à son intelligence intuitive, puis assoit la légitimité de son ressenti auprès de ses pairs avec une vérification rationnelle. Ce processus est fréquemment rencontré dans le milieu scientifique : de nombreuses découvertes ont reposé sur une intuition, que les scientifiques se sont ensuite efforcés de démontrer. Un chargé de recrutement a toujours une première impression sur un candidat. Au lieu de l’étouffer, ou de la suivre aveuglément, il est intéressant de l’interroger : pourquoi ai-je ce ressenti face à cette personne ? Puis-je poser des questions qui me permettraient d’affirmer ou d’infirmer mon sentiment ?
La pensée intuitive invite également à être plus créatif : l’espace d’un instant, on s’extrait de nos processus et stratégies bien rodés pour innover et sortir des sentiers battus. Cette intelligence permet de se démarquer, d’être plus surprenant.
S’appuyer sur son intuition n’est pas une méthode farfelue ! Une très grande part de notre processus mental repose sur elle. Plusieurs études ont démontré, et ce dans différents domaines, que la première impression est souvent la bonne. Cependant, dans le monde du travail, ce qui n’est pas démontré n’est pas rassurant. Prudentes, les entreprises préfèrent une argumentation basée sur des données objectives. Vous perdez alors confiance en vos ressentis et replongez dans les détails d’une situation alors que votre intuition vous offrait une vision globale. La pression de la hiérarchie peut mettre en doute les ressentis des managers, qui préfèrent alors ne pas y prêter attention. Quel dommage ! Comment innover si nous réfléchissons comme des machines ? Il est bon d’accueillir et de faire confiance à vos ressentis, ils vous donnent la direction de votre réflexion. À vous ensuite de l’étayer avec des éléments mesurables et objectifs. Gardez à l’esprit la conclusion des travaux de Henry Mintzberg, chercheur canadien en stratégie et management (1970) : « Le manager efficace ne choisit pas entre les approches analytiques et intuitives des problèmes. Il utilise les deux. ».
Sans un minimum de recul, il est très compliqué de laisser place à l’intuition. En repérant le potentiel d’une situation plutôt que les contraintes qui l’entourent, vous encouragez l’émergence de vos ressentis. En simplifiant les choses et en allant à l’essentiel, l’intelligence intuitive peut se mettre en route. Prendre de la hauteur permet également de faire la différence entre l’intuition et l’émotion, qui peut fausser le raisonnement. La méditation de pleine conscience s’avère intéressante pour s’extraire d’une situation et la regarder de haut, sans être parasité par vos peurs ou vos blocages.
Lorsque notre corps est en mouvement, notre attention est légèrement réduite. Le cerveau, moins focalisé, laisse plus de place à l’imagination, à la créativité, et donc à l’intuition. De nombreux grands esprits, tels Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, ont pris l’habitude de faire leurs réunions en marchant. Le mouvement détend le corps et l’esprit : il permet de faire émerger de nouvelles solutions, auxquelles vous n’auriez pas pensé immobile dans votre bureau.
En position assise ou debout, dans votre bureau ou tout autre endroit calme, imposez-vous cinq minutes de repos. Fermez les yeux et scannez votre corps : en partant des pieds, attardez-vous sur toutes les parties : dessinez les contours de chaque fraction de votre enveloppe, ressentez son poids, sa température… Interrogez chaque élément de votre corps au sujet de votre problématique. Qu’est-ce que votre ventre a à vous dire ? Que ressentez-vous au niveau de la poitrine ? À la fin, notez les mots et pensées qui ont émergé pour ne pas les oublier.
S’appuyer sur votre intuition dans le milieu professionnel peut être difficile lorsque cela fait un moment que vous ne jurez que par le raisonnement rationnel. Dans ce cas, commencez par inviter vos ressentis dans des situations du quotidien présentant moins d’enjeux. Pourquoi ne pas s’amuser à choisir un film au cinéma simplement à partir de son affiche ? Exit la bande-annonce et les avis, laissez-vous aller ! Vous avez du temps libre devant vous ? Plutôt que de vous référer à votre agenda, faites la première chose qui vous passe par la tête ! En accumulant des expériences positives de décisions intuitives, votre cerveau utilisera plus facilement ce fonctionnement.
Vous l’aurez compris, l’intelligence intuitive et l’intelligence rationnelle sont faites pour collaborer. La première vous donne une impulsion et la seconde valide vos choix. Apprenez à vous appuyer sur chacune d’entre elles pour un maximum d’efficacité !
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